L’église Sainte-Claire dans le 19e arrondissement de Paris a été construite entre 1956 et 1958 par l’architecte André le Donné, élève d’Auguste Perret. Elle est érigée en paroisse en 1963.
De conception moderne, elle est en béton et juxtapose un cube et une demi-sphère.

Après avoir gravi la douzaine de marches du parvis, le visiteur quitte l’agitation et le bruit du boulevard des Maréchaux et du périphérique pour la pénombre et le calme d’un lieu de prière. Après quelques instants, apparaît la simplicité du décor (béton et bois clair). Ce qui surprend, c’est la luminosité de l’abside : coulant d’une source invisible, la lumière, concentrée sur le chœur, invite «  les yeux du cœur  » à s’interroger sur les réalités d’un au-delà du visible.

Projet d’André Le Donné pour Sainte-Claire (1959).  L’église est un cube en béton de 20m de côté à structure apparente. Elle tourne le dos à la voie ferrée qui dessert les abattoirs. Des ouvertures, longues et fines, fendent les parois. Le portique métallique, fixé sur la façade, porte les cloches et un coq au bout d’un mât. La baie en demi-lune qui dépasse du toit éclaire le chœur hémisphérique.

Façade actuelle de l’église

Le chevet de l’église : la croix monumentale, œuvre de Pierre Buraglio, la sacristie cylindrique, la nef cubique et le chœur hémisphérique.  « L’extérieur n’est que l’expression de l’intérieur, révélant sa construction ». (André Le Donné, Journal des Buttes, octobre 1959).

La commune de la Villette1 a été rattachée à Paris en 1860 au moment où le grand marché aux bestiaux de la capitale s’installait avec ses abattoirs à la Porte de Pantin, le long du chemin de fer de la petite ceinture. Un siècle plus tard, en 1959, la population du quartier avait doublé.La capacité d’accueil de l’église Saint-François-d’Assise, rue de Mouzaïa, étant alors insuffisante, cette paroisse décida de construire une chapelle annexe sur un petit terrain appartenant à la Ville, au milieu des nouveaux immeubles de la Porte de Pantin.Devant être desservie par le même clergé, cette chapelle fut naturellement placée sous le vocable de sainte Claire, disciple de saint François et fondatrice de l’ordre des Pauvres Dames, également appelées Clarisses. En 1963, la communauté de ses fidèles était érigée en paroisse2.

La construction de la chapelle Sainte-Claire fut confiée à l’architecte André Le Donné3 qui avait travaillé avec Auguste Perret4 à la reconstruction du Havre après la seconde guerre mondiale. Il y avait notamment restauré une chapelle gothique avec, en guise de voûte, un simple voile de béton armé.

André Le Donné a aussi utilisé ce matériau peu onéreux et performant pour la chapelle Sainte-Claire. Il s’est inspiré des maisons du Moyen-Orient, celles où, au premiers temps de l’Eglise, on se réunissait pour célébrer la Cène5. Le béton lui permit d’installer le chœur en porte-à-faux sur la voie ferrée qui desservait alors les abattoirs. Cette disposition et la dénivellation du terrain permirent la création de deux grands espaces : une nef pour 700 personnes et une grande salle de réunion.

Dès 1974, les bureaux et les habitations remplacèrent les abattoirs déplacés à Rungis, au sud de Paris. En 1996, dans un quartier en pleine mutation avec le Parc de la Villette, on repensa la visibilité de l’église. La tâche fut confiée à Pierre Buraglio6 et à Christian de Portzamparc7, architecte des ensembles voisins.

A l’extérieur, l’église se situe en contre-bas du périphérique8. Le cube en béton nu conçu par André Le Donné a été recouvert de pierres de Norvège. L’agrafage en bancs alternativement clairs et foncés s’accorde aux façades alentour tout en évoquant la basilique Sainte-Claire à Assise construite (13e siècle).

A l’est, en haut d’un emmarchement en pente douce, le portail est composé “de deux vantaux égaux qui s’ouvrent dans l’axe de l’église […] tels des bras largement évasés” (P. Buraglio). Le ton bois du chêne massif tranche sur le bleu outremer de son cadre en métal émaillé.
A l’ouest, également de Buraglio, une monumentale croix en tôle, haute de 15 mètres, annonce l’église sur le boulevard Jean-Jaurès et domine cet ensemble géométrique. Fidèle à l’esprit franciscain par son dépouillement, elle est plus qu’un signal intégré à l’environnement : elle est le relais du clocher. Elle est plantée dans un buisson d’épines. Sa base est couleur terre tandis que que le bras horizontal est peint en bleu. L’échelle aux barreaux inégalement répartis évoque autant la déposition de croix que le va-et-vient entre la terre et le ciel de l’échelle de Jacob (Gn 28, 11-19).

Au second plan, un cylindre clair couvert de céramique est accroché au cube de l’église. Il contient la sacristie. L’hémisphère d’origine, recouvert de bitume, englobe le chœur. Il dépasse du toit plat de l’église avec une ouverture en demi-lune qui laisse entrer la lumière de l’est, point où le jour paraît9.

A l’intérieur, le soleil du matin inonde ainsi le chœur. André Le Donné a utilisé à dessein cet éclairage indirect pour y concentrer la lumière et, par contraste avec la pénombre de la nef, marquer l’importance de ce lieu liturgique.

Sur l’autel, les mosaïques d’Irène Zack10 reproduisent les symboles utilisés par les premiers chrétiens pour se reconnaître entre eux. Sur le devant : un poisson ΙΧΘΥΣ (ikthus)11. Sur le côté gauche : unα(alpha) etω(omega), la première et la dernière lettre de l’alphabet grec qui manifestent l’Eternité (Ap 22, 13). Sur le côté droit, un Χ (khi) et un ρ (rhô), les deux premières lettres de Christ écrit en grec (Χριστός). Avec la croix figurant au dos, cet autel témoigne du désir du retour aux sources de l’époque.

Dans la nef, douze poteaux dont dix  inclus dans les parois soutiennent l’édifice. La lumière filtre à travers des fentes qui rythment les murs. Elles sont ornées de carreaux translucides, selon un dégradé de couleurs.
Le baptistère et les bénitiers ont été simplement creusés dans des troncs de pyramide en lave de Volvic.
Dans le bas-côté droit, une statue représente sainte Claire tenant une pyxide (ciboire) en référence au miracle qui chassa les Sarrasins d’Assise en 1240.

Un oratoire a été aménagé sous le chœur. Les vitraux de Louis-René Petit12 se déploient dans le haut de la paroi vitrée qui clôt cet espace courbe. Ils laissent entrevoir l’extérieur, les gens qui passent ou s’affairent. Ainsi cet espace de prière est relié à la ville.

Par sa rigueur et sa lumière, cet ensemble architectural est fidèle à l’esprit franciscain13.

Notes :
1 — L’existence du village de la Villette est attestée dès 1198. Le marché aux bestiaux de Paris y fut créé en 1860, trois ans avant que Victor Baltard (1805-1874) ne termine la construction des Halles au centre de Paris.
2 — En 1954, non loin de là, une nouvelle paroisse devait voir le jour avec l’église Sainte-Marie-Médiatrice. Mais de l’abandon provisoire du nouveau quartier de la Porte des Lilas interrompit le chantier. Aujourd’hui, elle st confiée à la communauté portugaise de Paris.
3 — 1899-1983. Il quitta l’enseignement académique pour travailler avec Auguste Perret (1874-1954) dans son Palais de Bois (1923-1930), un édifice provisoire standardisé, situé Porte-Maillot (Paris 17e). Lauréat des Forges de Strasbourg pour des maisons métalliques en 1929, il fut nommé architecte en chef du Ministère de la Reconstruction en 1945. Architecte principal de la basilique Saint-Pie-X à Lourdes (1958), il construisit trois églises en Alsace et près de Paris : Saint-Paul (1963, Massy), Notre-Dame-de-Nazareth et Saint-Germain (1965 et 1971, Vitry-sur-Seine).
4 — 1874-1954. Fils d’un entrepreneur de maçonnerie, il fut, entre autres choses, l’auteur d’un immeuble rue Franklin (1903, Paris 16e), du Théâtre des Champs-Elysées (1913, Paris 8e), de l’église Notre-Dame  (1923, Le Raincy), de la chapelle de l’Immaculée-Conception (1929, Arcueil) et de l’église Saint-Joseph au Havre (1951).
5 — Du latin cena, repas du soir. Et pour les chrétiens, le dernier repas de Jésus avec ses disciples la veille de sa mort (Mc 14, 12-25).
6 — Plasticien français né en 1939. Il a réalisé le pignon jouxtant le Théâtre national de la Colline (1988, Paris 20e). Il a aménagé la chapelle Saint-Symphorien à Saint-Germain-des-Prés (1990, Paris 6e) et l’oratoire de l’hôpital Bretonneau (2000, Paris 18e).
7 — Architecte et urbaniste français, né en 1944, auteur à Paris, du quartier des Hautes-Formes (1979, Paris 13e), de la Cité de la Musique et de l’hôtel  Mercure-La-Villette (1995, Porte-de-Pantin Paris 19e), du siège du quotidien Le Monde (2005, Paris 13e), de la tour Granite (2008, La Défense).
8 — Ce tronçon a été inauguré en 1974.
9 — Les chœurs des églises sont souvent orientés vers le soleil levant qui symbolise la Résurrection du Christ.
10 — 1918-2013.  Ce sculpteur d’origine russe, dont les œuvres sont sobres et pures, est la fille de Léon Zack (1892-1980) avec qui elle a travaillé à Notre-Dame-des-Pauvres (1955, Issy-les-Moulineaux). Léon Zack est l’auteur des vitraux de Sainte-Jeanne-d’Arc (1965, Paris 18e).
11 — En grec ancien, ΙΧΘΥΣ (ikthus), mot composé des premières lettres de l’affirmation Iesous Christos Theou Uios Soter (Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur).
12 — 1934-2007. Peintre verrier français, disciple de Soulages, auteur de vitraux de plusieurs églises, dont ceux de l’abbaye de Sénanque (Vaucluse).
13 — Selon la règle de l’ordre fondé par saint François d’Assise, les frères sont pèlerins et étrangers en  ce monde, servant le Seigneur dans la prière, l’obéissance et la pauvreté.

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©ACF/Paris, 2019. Documents ENSBA/Archives municipales du Havre, Mappy. Photos M. Baranger, F. de Franclieu, M. Beaudoin.